Un outil puissant dans l’enseignement musical

Découvrir et utiliser les canaux perceptifs préférentiels de chaque élève

Nous avons chacun notre façon d’être au monde, et la manière dont chacun utilise ses canaux perceptifs est très personnel.

Découvrir les canaux perceptif préférentiels des élèves et les utiliser à bon escient offre une porte d’entrée pédagogique extraordinaire.

Notre façon d’organiser mentalement l’information est très personnelle. Lorsque nous vivons une expérience (l’apprentissage est une expérience parmi d’autres), nous nous servons de nos 5 sens mais pas forcément de manière identique et équilibrée. Et nous mettons ainsi en jeu des représentations mentales différentes pour chacun d’entre nous.

Du coup, chaque personne va « codifier » une représentation mentale de l’expérience à sa façon à l’aide de ses canaux perceptifs préférentiels. Ce qui a pour conséquence immédiate de ne pas forcément comprendre ce que les autres expriment dans de très nombreuses situations.

Nous pouvons définir 3 canaux sensoriels majeurs utilisés dans l’apprentissage, la mémorisation et la restitution musicale (le goût et l’odorat sont plus employés pour ce qui a trait à la nourriture) :

  • L’ouïe
  • La vue
  • Le toucher et la kinesthésie

Sans forcément en avoir conscience, chacun d’entre-nous va privilégier une ou 2 portes d’entrées sensorielles pour construire sa représentation mentale de l’oeuvre à jouer, mais aussi la façon de la penser, de la mémoriser, de la ressentir et donc de la restituer à l’aide de ses outils corporels. C’est ce que l’on appelle les canaux perceptifs préférentiels.

Nous pouvons ainsi définir 3 groupes d’apprenants :
  • Les auditifs : la compréhension et la mémorisation s’effectuent principalement par l’écoute
  • Les visuels : la compréhension et la mémorisation s’effectuent principalement par ce qui est vu
  • Les kinesthésiques : la compréhension et la mémorisation s’effectuent principalement par ce qui est ressenti. Apprendre en faisant

Chacun va avoir tendance à privilégier le plus souvent les mêmes portes d’entrée sensoriels et à transformer cette facilité en habitude de fonctionnement.

Cette façon de faire n’est jamais intrinsèquement bonne ou mauvaise. Elle est à priori très innée, et renforcée par les expériences rencontrées, notamment dans l’enfance.

L’idée pédagogique n’est pas de modifier ces préférences sensorielles, mais de les connaitre pour chaque élève afin de parler le « même langage » que lui et de lui faciliter la tâche.

A ne pas confondre

Il est important de ne pas confondre les prédilections dans les portes d’entrée sensorielles et les capacités intrinsèques de l’élève.

Un « auditif « par exemple n’aura pas une « meilleure oreille » qu’un visuel ou qu’un kinesthésique. Cela n’a rien à voir mais amène pourtant parfois certaines confusions. Mais un « auditif » est une personne qui utilise facilement son canal de perception auditif pour percevoir et mémoriser l’œuvre. Il aura une plus grande facilité à apprendre et mémoriser « à l’oreille »; il sera plus aisé pour cette personne d’éliminer la partition de son champ de vision.

Un « visuel » aura plus besoin d’avoir la partition devant les yeux, ou de prendre des repères visuels dans son environnement. Il sera ainsi plus aisé pour lui d’acquérir les gestes et de mémoriser les séquences lui permettant de ressentir et restituer l’oeuvre sur son instrument. Ce n’est pas pour cela qu’il lit en permanence la partition. Il y prend des repères le plus souvent incompréhensibles pour une personne privilégiant un autre canal de perception. Mais c’est très souvent source d’incompréhension avec son enseignant quand au fait de jouer « par coeur ».

Quand au « kinesthésique », il sera beaucoup plus attentif à son environnement matériel et s’appuiera beaucoup sur ses sensations corporelles. La mémoire du geste est son alliée et la sensation vibratoire son plaisir principal. Le plus souvent il se décrit comme avec « la mémoire des doigts ». Cela ne veut bien sûr pas dire qu’il n’entend pas la musique : il la vit juste plus intensément à l’intérieur du corps par l’intermédiaire des sensations kinesthésiques et vibratoires – au lieu de la vivre par l’oeil ou par l’oreille.

Les conséquences aidantes et limitantes sont nombreuses et vous n’en n’avez ici qu’un aperçu forcément restreint.

Comment utiliser ces connaissances à bon escient ?

Lorsque ces procédés d’apprentissage sont assumés et utilisés à bon escient, ils deviennent source de facilitation énorme pour l’élève. Ils améliorent sa motivation en renforçant son sentiment de compétence. Ils augmentent sa vitesse d’apprentissage et diminuent les blocages. Pour l’enseignant, cette compréhension du fonctionnement particulier de chaque élève lui donne des outils pédagogiques puissants et lui facilite grandement la tâche.

Lorsque il a été possible de repérer une facilité évidente sur un canal de perception, il est intéressant de l’utiliser et de le favoriser lors des apprentissages complexes.

Pour aller plus loin

Par contre, développer les autres canaux est tout aussi important afin de ne pas « enfermer » la personne dans un seul canal d’apprentissage. Plus l’enseignant sera capable d’aider l’élève à multiplier les portes d’entrée sensorielles, et plus l’élève sera capable de progresser vite et bien. Cette « ouverture » à l’utilisation judicieuse des autres canaux de perception sera facilitée lors des apprentissages simples ou pratiquement acquis.

Pour faciliter l’utilisation d’un canal de perception peu utilisé, la méthode est simple : empêcher momentanément l’élève d’utiliser son canal favori.

Un « visuel » jouera momentanément les yeux fermés, un kinesthésique modifiera sa statique ou sa combinaison de mouvements, un auditif jouera avec du bruit autour de lui ou avec des bouchons dans les oreilles… Ce ne sont que des idées car chacun peut être inventif afin de trouver des modifications au niveau des situations de jeu habituelles de l’élève. Le principal étant de le faire systématiquement sous forme ludique car le cerveau est plus malléable dans les temps de divertissement sous forme de jeu, même chez les adultes!

Et surtout, amusez-vous personnellement à découvrir votre propre moyen de fonctionnement, et prenez plaisir à stimuler vos canaux peu utilisés. Vous verrez, c’est bluffant et performant.

Sources :

Plusieurs auteurs ont classifié ces différentes portes d’entrées utilisées lors des apprentissages.

Les portes d’entrée sensorielles ont plutôt été développées en PNL (programmation neuro-linguistique), et basées sur l’observation depuis de nombreuses années. Mais l’apport des neuro-sciences permet de valider ce concept. On s’aperçoit ainsi que toutes les aires corticales perceptives ne sont pas sollicitées en même temps et avec la même intensité lors d’un apprentissage ou d’une mémorisation d’information.

En conclusion

Amusez-vous à découvrir les canaux perceptifs préférentiels de vos élèves afin de les valoriser lors des apprentissages complexes, et de développer les canaux moins évidents et utilisés moins fréquemment.

Il existe des tests sensés aider à les dépister. Personnellement je les trouve peu fiables et enfermants. Je préfère grandement être à l’écoute de chaque personne, et me faire une idée  par l’observation que je valide ou que je modifie ensuite. Ce fonctionnement par tâtonnements est au final très efficient et rapide avec un peu de pratique. Et cela évite d’enfermer une personne dans un seul mode de fonctionnement. En matière de cognition, rien n’est jamais figé. Ce fut une des plus grandes découvertes sur le fonctionnement cérébrale faite grâce aux neurosciences.

N’hésitez-pas à me poser des questions au sujet de cet article, j’y répondrai avec plaisir.

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